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De Tintin à Obama ... D’un monde à l’autre. Par Marie Ansquer

LEMONDE.FR | 15.05.10

mercredi 19 mai 2010

Tintin au Congo sur le banc des accusés. L’affaire n’est pas nouvelle. Qui a lu cette BD s’est bien rendu compte de tous les clichés qui émaillent l’histoire. Tintin, le petit reporter blanc qui découvre le continent noir et à qui tout réussit. Faut-il au nom du racisme en interdire la vente et la publication ?

Tintin au Congo est une histoire qui ne plaît pas à tout le monde et on comprend pourquoi. On ne peut s’empêcher d’y voir le reflet de la mentalité coloniale. L’intrigue rappelle de mauvais souvenirs. L’ouvrage est le reflet d’une époque, le début des années 1930. L’image qui est donnée des populations noires pourrait évidemment nourrir les préjugés, même en 2010, mais on peut aussi espérer que le lecteur prenne du recul et de la hauteur. L’histoire de l’aventurier blanc qui part chasser le lion chez les sauvages est connue de beaucoup d’Européens. Mais lire ne veut pas dire approuver. Les productions littéraires et cinématographiques qui véhiculent une telle image de l’Afrique sous la colonisation sont légion. On ne compte plus le nombre d’interdictions qu’il faudrait. Et il est peu probable qu’interdire une publication résorberait totalement le racisme et les préjugés.

Il est vrai que les péripéties de Tintin au Congo placent l’homme blanc au sommet de la hiérarchie. C’était l’époque de la suprématie de l’autorité européenne. On y voit même un prêtre blanc tuer des crocodiles sous le regard ahuri d’un petit noir qui navigue la barque. L’Européen était alors dans son « trip » de mission civilisatrice. Après en avoir fait du commerce, sans états d’âmes, il allait maintenant civiliser les petits noirs. Le blanc était en pays conquis. C’était l’époque coloniale, reconnaissable, entre autres, par le port du casque colonial. Le langage utilisé par Hergé reflète les rapports humains imposés par le colonialisme. D’un côté la domination, de l’autre, la subordination. A vif, le lecteur accède ainsi à toute la conscience coloniale. Pas de narrateur pour jouer les intermédiaires. N’est-ce pas le rôle de la littérature que d’ouvrir l’accès à une conscience de l’intérieur ? Tintin au Congo est une preuve que l’esprit colonial a bien existé. C’est toute une génération qui a grandit dans ce moule de la soi-disant supériorité européenne.

Des années de colonialisme laissent des traces. La période n’a pas été qu’une simple parenthèse d’un côté comme de l’autre. L’inconscient collectif ne s’en est pas sorti indemne. Il est à constater, qu’à aucun moment, Tintin ne se pose de questions. A ses yeux, les choses sont ainsi faites, comme elles l’étaient aux yeux de beaucoup de colons. Tintin baigne dans des convictions, qui évidemment en choquent plus d’un aujourd’hui. Et heureusement que les réactions ne se font pas attendre, preuve qu’en 80 ans, du chemin a été parcouru. Cette absence de remise en cause était la norme. Mais ce n’est pas l’œuvre en soi qui alimente le racisme. Au contraire, Tintin au Congo met le doigt sur une vérité de la colonisation, à savoir, l’arrogance, la certitude d’être au-dessus de ce qui est autre que soi. N’est-ce pas là encore à ce jour un tropisme de l’occident ?cette fois sans le colonialisme en toile de fond.

La tendance à se croire supérieur n’a pas toujours totalement disparu. Elle est parfois encore ancrée dans quelques têtes. Les discours de certains Européens en poste en Afrique sont parfois lardés de sous-entendus d’un autre temps. La décolonisation s’est faite dans les territoires, pas toujours dans les mentalités. On y trouve encore des raisonnements en noir et blanc à vous laisser les bras ballants. De leurs propos émane une sorte de nostalgie que rien ne justifie.

Mais Tintin n’y est pour rien ! C’est à peine s’ils ont lu Tintin au Congo, ne nous méprenons pas sur le vrai coupable. Par contre, l’éducation que reçoit un individu, oui, cette éducation a une large part de responsabilité. Dans son livre « Dreams of my father », Barrack Obama rend hommage à sa mère pour lui avoir appris « à mépriser ce mélange d’ignorance et d’arrogance qui caractérise trop souvent les Américains à l’étranger. » La mère de Barrack Obama, blanche de peau, avait compris que l’ignorance et l’arrogance ne mènent nulle part. Ce n’est pas la censure qui résout le racisme, d’où qu’il vienne, c’est l’intelligence.

Voir en ligne : Le Monde

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