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Adieu, les voix d’antan, Par Michel COURTY, Technicien

Le MONDE | 08.03.06

dimanche 12 mars 2006

Les enregistrements amateurs si précieux ont disparu avec le magnétophone.

Il est un phénomène de société que les récents débats sur les droits d’auteur n’ont pas su mettre en avant : on ne s’enregistre plus. Dans les années 1960, tous les magnétophones amateurs étaient vendus avec une bande vierge et un microphone. Cette première bande, c’était quasi systématique, servait à enregistrer un repas pris en famille. Grâce au micro fourni, l’homme de la rue, le père de famille, le citoyen devenait acteur de sa propre histoire familiale. Après le repas de famille, c’était au tour (autour) de la grand-mère. L’arrivée du premier magnétocassette, en 1964, n’a fait qu’amplifier le phénomène : lui aussi était pourvu d’un microphone. La société Philips n’était pourtant pas davantage que maintenant portée vers les sciences sociales ; elle avait juste effectué un constat et répondu à une demande de son public, qu’elle connaissait bien. La technologie a évolué (cent fois ?), les prix ont baissé (cent fois ?), mais plus personne n’enregistre les repas de famille ; ni les grands-mères. L’homme de la rue, à l’évidence, préfère les enregistrements de l’industrie aux siens propres. Le père de famille et le citoyen ont déserté ce champ. De nos jours, quelle que soit la taille des foyers, leur culture ou leurs moyens, des générations entières ont disparu sans que soit conservée la moindre trace de leur voix, sans qu’aient été recueillis leurs souvenirs, sans que soit retransmis l’héritage mémoriel. Parfois, dans une vidéo où un cadet souffle des bougies trop lumineuses dans une image trop sombre, distingue-t-on en arrière-plan l’ombre d’un patriarche et un filet de voix criant : « Bravo ! » C’est tout. Et encore cet arrière-plan triste n’existe-t-il que parce que l’on filme encore quelques événements marquants pour finir la cassette du week-end de la Toussaint.

Parce que l’on filme encore. Pendant combien de temps ? Quand aurons-nous à leur tour abandonné les films de famille au profit exclusif des produits industriels ? Et quand bien même nous filmerions encore, combien de temps pouvons nous conserver ces images familiales face à la perpétuelle évolution des technologies toujours remplacées ? Tout est transférable, certes. Mais qui le fait ?

Le citoyen, d’acteur de la conservation de sa mémoire, est devenu consommateur (de la mémoire des autres ?). Il lui faut donc des lois pour ça. On y travaille !

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