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Le nudisme révolutionnaire, par Ernest Armand (1872-1963)

mercredi 26 avril 2006

Qu’on considère le nudisme comme "une sorte de sport, où les individus se mettent nus en groupe pour prendre un bain d’air et de lumière comme on prendrait un bain de mer" (Dr Toulouse), c’est-à-dire à un point de vue purement thérapeutique ; qu’on l’envisage, comme c’est le cas pour les gymnosmystique (gymnos en grec signifie nu ), comme un retour à un état édénique, comme replaçant l’homme dans un état d’innocence primitif et "naturel", thèse des adamites d’autrefois, - ce sont deux points de vue qui laissent place à un troisième qui est le nôtre, c’est que le nudisme est, individuellement et collectivement, un moyen d’émancipation des plus puissants . Il nous apparaît comme tout autre chose qu’un exercice hygiénique relevant de la culture physique ou un renouveau "naturiste". Le nudisme est, pour nous, une revendication d’ordre révolutionnaire.

Révolutionnaire sous un triple aspect d’affirmation, de protestation, de libération.

Affirmation : Revendiquer la faculté de vivre nu, de se mettre nu, de déambuler nu, de s’associer entre nudistes, sans avoir d’autre souci, en découvrant son corps, que celui des possibilités de résistance à la température, c’est affirmer son droit à l’entière disposition de son individualité corporelle. C’est proclamer son insouciance des conventions, des morales, des commandements religieux, des lois sociales qui nient à l’humanité, sous des prétextes divers, de disposer des différentes parties de son être corporel comme il l’entend. Contre les institutions sociétaires et religieuses que l’usage ou l’usure du corps humain est subordonné à la volonté du législateur ou du prêtre, la revendication nudiste est l’une des manifestations la plus profonde et la plus consciente de la liberté individuelle.

Protestation : Revendiquer et pratiquer la liberté de l’anudation est, en effet, protester contre tout dogme, loi ou coutume établissant une hiérarchie des parties corporelles, qui considère par exemple que l’exhibition du visage, des mains, des bras, de la gorge est plus décente, plus morale, plus respectable que la mise à nu des fesses, des seins, du ventre ou de la région pubienne ; c’est protester contre la classification en nobles et en ignobles des différentes parties du corps : le nez étant considéré comme noble et le membre viril comme ignoble, par exemple. C’est protester, dans un sens plus élevé, contre toute intervention (d’ordre légal ou autre ) qui nous oblige à nous vêtir, parce que cela plaît à autrui, alors qu’il n’est jamais entré dans nos intentions d’objecter à ce qu’autrui ne se dévête pas, s’il y trouve davantage son compte.

Libération : Libération du port du vêtement ou plutôt de la contrainte de porter un costume qui n’a jamais été et ne peut être qu’un déguisement hypocrite puisque reportant l’importance sur ce qui couvre le corps - donc sur l’accessoire - et non sur le corps lui-même, dont la culture cependant constitue l’essentiel. Libération d’une des principales notions sur les quelles se fondent les idées de "permis" et de défendu, de "bien" et de "mal" . Libération de la coquetterie, du conformisme à un étalon artificiel d’apparence extérieure qui maintient la différenciation des classes. Qu’on s’imagine nu le général, l’évêque, l’ambassadeur, l’académicien, le garde-chiourme, le garde-chasse ? Que resterait-il de leur prestige, de leur délégation d’autorité ? Les dirigeants le savent bien et ce n’est pas un de leurs moindre motifs d’hostilité au nudisme. Délivrance du préjugé de la pudeur, qui n’est autre que "la honte de son corps". Délivrance de l’obsession de l’obscénité, actuellement provoquée par la mise à découvert des parties corporelles que le tartufisme social prescrit à tenir cachées - affranchissement des réserves et des retenues impliquées par cette idée fixe.

Nous allons plus loin. Nous maintenons, en nous plaçant au point de vue sociabilité que la pratique de l’anudation est un facteur de meilleure camaraderie, de camaraderie moins étriquée. On ne saurait nier que nous est une, un camarade moins distant, plus intime, plus confiant, non seulement celle ou celui qui se fait connaître à nous sans arrière-pensée intellectuelle ou éthique, par exemple, mais encore sans aucune dissimulation corporelle.

Les détracteurs du nudisme - les moralistes ou hygiénistes conservateurs d’Etat ou d’Eglise - prétendent que la vue du nu, que la fréquentation entre nudistes des deux sexes exaltent le désir érotique. Cela n’est pas toujours exact. Cependant, contrairement à la plupart des théories gymnistes - chez lesquelles l’opportunisme ou la crainte des persécutions est le commencement de la sagesse, - nous ne le nions pas, mais nous maintenons que l’exaltation érotique engendrée par les réalisations nudistes est pure, naturelle, instinctive et ne peut être comparée à l’excitation factice suscitée par le demi-nu, le déshabillé galant, et tous les artifices de toilette auxquels a recours le milieu vêtu, mi-vêtu ou court-vêtu où nous évoluons.

E. Armand, L’Encyclopédie anarchiste, 1934

Texte extrait de l’étude "Communautés, naturiens, végétariens, végétaliens, crudivégétaliens dans le mouvement anarchiste français" Invariance, supplément au n° 9 janvier 1994

Retrouvez la biographie de E. ARMAND sur le site de "L’Ephéméride Anarchiste"

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