Acheter bio, c’est, en principe, participer au développement d’une agriculture source de vie et lutter contre le saccage de l’environnement ; c’est refuser la consommation à outrance, respecter les animaux, protéger sa santé ; c’est aussi résister à la laideur envahissante, être responsable de ses choix dans un domaine encore relativement préservé, c’est une forme de liberté, un espoir. C’est combattre pour le futur du monde.
Ainsi, au printemps 1998, on pouvait acheter dans plusieurs biocoops de Bretagne des yaourts Grandeur Nature. Or, sous cette marque distribuée par la laiterie Le Gall, dont le nom seul figurait sur l’emballage, se cachait la firme Even, géant de l’industrie agroalimentaire bretonne et fournisseur de pesticides.
Autre exemple significatif : les yaourts de la marque Bio d’Armor, en vente dans les hypermarchés Géant, sont aussi vendus sous une autre étiquette : Grandeur Nature, dans les biocoops. Seule différence : l’emballage et le prix. Quant à l’entreprise bretonne Triballat, elle fabrique des laitages bio sous les marques Vrai, pour la grande distribution, et Les Fromagers de tradition, pour le commerce spécialisé. Mais le nom de Triballat ne figure pas sur les seconds ! C’est aussi le cas de Distriborg, qui distribue la même gamme bio sous les marques Bjorg et Evernat. Où se trouve le choix pour le consommateur, s’il n’est pas informé ?
Vendre ces articles, produits ou distribués dans certains cas par des sociétés dont les buts sont, en premier lieu, lucratifs, ne va guère dans le sens de la bio. « Souhaitons-nous vraiment cautionner une telle évolution par nos achats ? », interroge le rédacteur d’une revue de jardinage bio, Antoine Bosse-Platière.
Derrière ces marques-écrans se profile le risque de l’industrialisation de la bio, car la filière agroalimentaire mise de plus en plus sur cette agriculture. Les conversions fleurissent, et l’on voit apparaître une bio-industrie avec des monocultures ou des monoélevages. Plus grave, de nombreux opérateurs font pression (...)