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Que puis-je faire, individuellement ? Par Noam Chomsky

mercredi 3 octobre 2007, par Noam CHOMSKY

Nous pouvons faire énormément. On ne va pas nous jeter en prison et nous torturer. On ne va pas nous assassiner. Nous avons d’immenses privilèges et une liberté fantastique. Donc des possibilités illimitées. Après chaque conférence que je donne aux États-Unis, des gens viennent me dire : “Je veux que ça change. Que puis-je faire ?” Je n’ai jamais entendu cette question chez les paysans du Sud de la Colombie, chez les Kurdes en butte à une terrible répression dans le Sud-Est de la Turquie, chez tous ceux qui souffrent. Ils ne demandent pas ce qu’ils peuvent faire, ils disent ce qu’ils sont en train de faire.

En un sens, par leur ampleur même, notre liberté, notre situation privilégiée sont porteuses d’un sentiment d’impuissance : c’est un phénomène étrange mais frappant. Le fait est que nous pouvons faire à peu près n’importe quoi. Trouver des organisations qui travaillent d’arrache-pied sur les problèmes qui nous préoccupent et y adhérer ne présente aucune difficulté. Mais ce n’est pas la réponse que veulent entendre les gens. C’est que la vraie question qu’ils posent, je crois, est différente : “Pour en finir avec ces problèmes, que puis-je faire qui soit rapide et facile ?” Je suis allé à une manifestation et rien n’a changé. Quinze millions de personnes sont descendues dans la rue le 15 Février 2003 et Bush a tout de même fait la guerre ; c’est désespérant.

Mais ce n’est pas ainsi que ça marche. Si l’on veut que ça change dans le monde, il faut être là, jour après jour, à faire ce travail assommant, direct : intéresser une ou deux personnes à un problème, agrandir un peu une organisation, mettre en œuvre la prochaine initiative, connaître la frustration et finalement aboutir à quelque chose. C’est ainsi que le monde change. C’est ainsi que l’on se débarrasse de l’esclavage, c’est ainsi que l’on obtient les droits des femmes, c’est ainsi que l’on obtient le droit de vote, c’est ainsi que l’on obtient la protection sociale des travailleurs. Tous les acquis tangibles sont venus de ce type d’effort, pas de gens qui sont allés à une manifestation puis se sont découragés parce qu’il ne s’est rien passé après, ou qui sont allés voter tous les quatre ans et sont rentrés chez eux. C’est bien de mettre au pouvoir un meilleur candidat – ou peut-être un moins mauvais -, mais c’est le début, pas la fin. Si l’on s’en tient là, on aurait aussi bien pu ne pas voter. Si l’on ne contribue pas à une culture démocratique vivante, permanente, capable de faire pression sur les candidats, ils ne feront pas ce pour quoi on les a élus. Mettre un bout de papier et rentrer chez soi ne va rien changer.“*

*Extrait de Imperial Ambitions, DAVID BARSAMIAN - CONVERSATIONS WITH NOAM CHOMSKY ON THE POST-9/11 WORLD Chapitre 4 : GUERRES D’AGRESSION - pp. 90-91 - HAMISH HAMILTON an imprint of FENGUIN BOOKS - Copyright © Aviva Chomsky and David Barsamian, 2005 - (Version Française : “La doctrine des bonnes intentions” 10/18 – Fait et Cause – Fayard)

Trouvé dans A l’évidence...

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