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Pourquoi se mobiliser pour les Classes Uniques ?

samedi 5 avril 2008, par Bernard COLLOT

Pourquoi tous ceux qui luttent pour une école différente de celle que nous impose Darcos doivent se mobiliser unanimement pour empêcher l’éradication des classes uniques et en faire le fer de lance de la bataille d’opinion actuelle. Parce que c’est une bataille d’opinion avant tout.

Dans l’école de proximité, si on se bat pour conserver une classe pour éviter que les autres classes aient 2 ou 3 niveaux, c’est aller dans le sens de l’école industrielle, donc de Darcos, et c’est perdu d’avance parce que l’école industrielle, il n’y a pas de doute ce sera beaucoup mieux au chef-lieu ! Darcos rigole parce que les parents iront d’eux-mêmes (et les instits aussi) et le coup suivant les classes se fermeront toutes seules ! Il fait le gros dos un coup (il n’y a plus d’élections), et après c’est du billard !

L’école de proximité à défendre c’est :
- celle du village ou du quartier, où tous les enfants du village ou du quartier vont.
- c’est une petite structure
- c’est une école où les pratiques sont, au minimum, conviviales (pour qu’il y ait consensus !) et la possibilité d’être différentes.
- c’est l’école où le partenariat est possible (enseignants, parents, élus).

Pour faire reconnaître ceci, ce sont les CU qu’il faut brandir, parce que l’on n’a qu’elles à sortir de notre chapeau pour contrer la soi disant logique inéluctable dont on a fait croire à l’opinion que c’est la seule.

- les CU sont le contre-exemple ordinaire (instits ordinaires, parents ordinaires, élus ordinaires, population villageoise ordinaire) de ce qui est asséné quotidiennement par Darcos et ses éminences.Quasiment en dehors des conditions industrielles nécessaires aux pseudo-réformes, là où ça ne devrait pas marcher puisqu’on ne peut pas y faire aussi bien le formatage préconisé, ça marche !

- ça marche même à tel point que les parents, les municipalités, à contre-courant s’y cramponnent (celles qui luttent contre leur suppression). Ces gens ne sont pas dans le concert de récriminations adressées, parait-il à l’école. C’est bizarre, c’est ce bizarre qu’il faut mettre en avant. C’est le grain de sable dans l’apparent "bon sens" brighellien.

- les CU, c’est télégénique : c’est foklo, ça peut faire l’objet de reportage différents des habituels reportages et interviews de manifs. Affectivement l’opinion a une certaine tendresse pour elles. Du coup les médias aussi.

- l’argumentaire est facile :

* les résultats sont moins bons ? FAUX, d’abord faudrait que les parents soient fous, ensuite il y a l’erreur de la machinerie étatique qui a fait faire des travaux sur ces résultats et qui les a laissés devenir publics (Oeuvrard, direction de l’évaluation et de la prospective, 90, l’observatoire de l’école rurale actuellement).

* c’est un problème d’économie d’échelle ? FAUX, Alain Mingat de l’IREDU (institut de recherche en économie de l’éducation) a démontré qu’avec leur suppression, au plus c’était un transfert de charge de l’Etat (économie de postes d’instits) vers les collectivité locales (transports - intéressant dans cette crise de l’énergie ! - restauration, garderies périscolaires obligatoires...). Sans compter les coûts collatéraux soulignés par le médecin Guy Vermeil (décédé il y a quelques années) en ce qui concerne la santé des enfants, la fatigue scolaire à qui il imputait une part de l’horrible échec scolaire... qui a un coût !

* C’est le seul endroit où l’école devient une entreprise éducative (partenariats étroits entre enseignants, parents, municipalité), argument intéressant à opposer aux libéraux ! comme à la gauche (participation citoyenne !)

* Oui, mais c’est parce qu’à la campagne les enfants sont gentils ? FAUX, la paupérisation des campagnes, leur transformation en péri-urbain, le chômage, les difficultés familiales, le repli des désérités urbains, en font des milieux avec les mêmes cortèges de difficultés qu’en banlieue (voir les travaux des géographes)

* Oui mais c’est parce que le multiâge on ne peut faire autrement ? FAUX et de citer l’école d’Antoine Ballard dans la Paillade de Montpellier avec ses 10 classes uniques, son premier prix au salon international de l’éducation à Nantes et ses résultats sur tous les plans, y compris celui de la violence. Et de citer le Canada où se développe un mouvement pour des écoles multiâges. Et de citer les States où des écoles privées (pour les riches !) font du multiâge un argument de vente. Et de citer Bill Gates et son compère de Google dont j’ai perdu le nom qui ont été formés dans une école Montessori multiâge (très bon pour des libéraux !)

* Oui mais les enseignants ne veulent pas y aller parce qu’ils ne sont pas formés ? aucun problème, notre ministre lui-même a dit que dans la formation il allait faire appel aux enseignants chevronnés : il y a plein d’instits ruraux à sa disposition.

Si cette bataille est gagnée, à la fois médiatiquement et dans un recul gouvernemental (le recul proposé est minime par rapport au minuscule nombre de CU à protéger, donc faisable (1)), alors la faille du doute dans la croyance aux propos d’un simplisme poujadiste est créé. Sans ce doute de l’opinion, tout passe comme une lettre à la poste (même si les lettres ne pssent pas très bien dans un service public en démolition lui aussi !)

Le doute à créer, c’est : comment se fait-il que des parents, a priori pas plus "crétins" que les autres et pas plus crétin que le crétin en chef Brighelli (produit justement par la "fabrique" à laquelle il veut ramener tout le monde), comment se fait-il que ces parents, qui ont autant envie que les autres, que leurs mômes réussissent défendent bec et ongles une école multiâge où justement on ne fait pas et on ne peut pas faire ce qui est officiellement prôné ?

C’est ce doute qu’il faut arriver à provoquer (et même pour certains ce sera une révélation). Nous y avons presque réussi une fois (déclenchement du moratoire en 93) mais malheureusement les CU ont été abandonnées ensuite au profit de l’école rurale en général (position stratégique contre laquelle je m’étais opposé en vain) : résultats, c’est l’école rurale et l’école toute entière qui fonce vers son industrialisation avec la croyance que c’est inéluctable. Et maintenant, la résistance des ruraux, celle aux "nouveaux programmes" apparaît, c’est un comble, comme archaïque ! comme pour les retraites, la constitution européenne, etc.

C’est à une logique qu’on s’attaque. Il faut y enfoncer un coin, y créer une faille. La chance à nouveau, c’est le déversement massif (suppression de postes, pseudo-réforme, retour aux années d’occupation, etc.). Les CU, c’est le grain de sable à utiliser dans la machine bien huilée qui est en train de fonctionner.

Tout le monde devrait se retrouver derrière les derniers combattants ! mobiliser tout ce qui bouge et veut faire bouger. S’ils organisent une manif ici ou là, tous devraient s’y retrouver, parents enseignants élus, ruraux, urbains, classiques, modernes, syndicats, mouvements pédagogiques, conf paysanne... imaginez une manif à Paris avec des milliers de personnes pour défendre les CU ! de quoi désarçonner l’appareil dirigeant (et l’opinion qu’il a fabriqué) parce qu’il ne peut pas s’attendre à ça. C’est l’arme du contrepied.

Je suggère que toutes les organisations, pédagogiques, syndicales, militantes mettent à l’ordre du jour de leur urgence la défense des CU, créent une coordination avec les ruraux (comme les routiers !) et engagent des actions simultanées ou communes avec comme seul cible : le maintien des CU. Attaquer là où on ne les attend pas.

Et toutes y seraient gagnantes à terme pour leurs propres objectifs. Cette suggestion, chacun peut en être porteur dans ses propres organisations.

(1) la proposition que j’avais faite de transformer les CU en laboratoire d’observation avait pour objet de permettre à un gouvernement de céder sans en avoir l’air et même de faire croire qu’il faisait preuve d’ouverture, très à la mode ces temps-ci !

Voir en ligne : Blog de Bernard Collot, 31/03/08

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